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8 octobre 2019
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Médiation et entreprise : Un levier de croissance pour les entreprises

Préférer la recherche d’un accord pour satisfaire les parties en présence évite le recours au contentieux juridique, aux conséquences multiples pour l’entreprise.

C’est au cœur du commerce que la relation existe.  Ne dit-on pas d’une personne avec laquelle les relations sont aisées qu’elle est d’un « commerce agréable » ? S’il n’y a pas de talent relationnel, pas d’aptitude à développer et entretenir des relations pérennes, il n’y a pas non plus de succès commercial, pas de développement pour les entreprises, quelles que soient la qualité et l’utilité de leurs produits ou des services qu’elles proposent.

Les conditions sine qua non d’une bonne relation sont la confiance réciproque et la satisfaction mutuelle des parties. Pour autant, ces échanges s’inscrivent dans une conjoncture économique et un cadre réglementaire fluctuants, dans un contexte concurrentiel, chaque partenaire s’attachant à accroître la rentabilité de son activité. C’est pourquoi ces échanges sont autant d’occasions de confrontation d’intérêts antagoniques (à titre d’exemple, la meilleure marge souhaitée par le fournisseur vers les meilleures conditions tarifaires attendues par le client). Lorsque cette confrontation devient trop aiguë, elle dégénère en contentieux. Or, cette situation est la négation de la relation, voire sa forme la plus délétère : on ne se parle plus que par avocats et/ ou experts interposés, et la communication s réduit, pour toute finalité, aux dispositions que chacun prend pour tenter d’optimiser ses chances de voir la juridiction saisie et consacrer son propre point de vue au détriment des espérances de l’autre (envoi d’une mise en demeure, mise en œuvre d’une expertise…)

Dès lors que sa finalité n’est pas de traiter les contentieux générés par son activité, une entreprise commerciale ne devrait consacrer à ces contingences que les moyens strictement nécessaires lorsque des conflits n’ont pu être anticipés ni résolus par des moyens plus rapides, plus économiques et altérant la relation dans une moindre mesure.

Rapidité : les parties au procès subissent nécessairement les échéances et les règles – de plus en plus nombreuses – qui rythment toute procédure contentieuse et dont résultent des délais considérables (souvent plusieurs années) avant le prononcé d’une décision définitive. lors d’une médiation, les participants recouvrent une latitude d’organisation qui leur permet d’inscrire la résolution du conflit dans un temps compatible avec leurs intérêts ; quelques mois, quelques semaines par­ fois, suffisent à dénouer une situation conflictuelle.

Économie : en France, les coûts induits par l’exercice du droit d’agir en justice ne sont pas dissuasifs – ils sont bien moindres que dans les pays anglo­saxons. Toutefois, ils n’en sont pas moins substantiels et la question se pose de l’utilité, pour une entreprise, de consacrer à la gestion de son contentieux des moyens financiers qui seraient mieux employés, par exemple, à la recherche, à l’optimisation de son offre commerciale ou à l’amélioration de la qualité de vie au travail de ses salariés s ; toutes priorités qui, si elles étaient satisfaites, seraient des moteurs de croissance. Parce qu’elle s’inscrit dans un temps court, parce qu’elle procède d’un engagement volontaire, exclusif de toute contrainte, la médiation offre une meilleure maîtrise des coûts.

Les atouts du processus de médiation

Préservation de la relation : l’introduction d’une procédure judiciaire cristallise les oppositions, et les séquelles de cette procédure affectent durablement la confiance, sapent la relation. Que d’énergie dépensée ensuite pour dissiper les craintes et restaurer des échanges avec celui dont on a été « l’adversaire » ! Préférer la pratique d’un mode amiable de règlement des différends au tout contentieux, c’est choisir de ne pas obérer l’avenir. Au regard de ces seuls critères bien connus, la médiation constitue déjà pour les entreprises un gisement d’économies. Mais ce processus comporte d’autres atouts dont la prise en compte devrait inciter nombre d’acteurs économiques à y recourir et qui méritent d’être ici mis en exergue.

Prévisibilité : le marché s’accommode mal de l’incertitude, l’entreprise n’aime rien moins que l’imprévu et a besoin de visibilité. Dans la mesure où les participants au processus ont une totale maîtrise des concessions qu’ils se consentent dans le cadre de l’accord et ne peuvent se voir imposer des conséquences qu’ils n’auraient pas acceptées – ce qui constitue une différence fondamentale avec l’arbitrage – la médiation élude l’aléa judiciaire. Le recours à la médiation libère l’entreprise des inconvénients liés à l’évaluation, au maintien et à l’actualisation, des provisions sur risques qu’elle est tenue de constituer dans ses comptes lorsqu’elle est appelée à une procédure.

Discrétion : la médiation n’est ponctuée d’aucune audience publique, elle ne donne lieu à aucune décision publiée, elle n’expose pas même au risque de circulation sur Internet d’informations tronquées et, en tous cas, non maîtrisées. La confidentialité étant une composante essentielle de ce processus, la médiation préserve des inconvénients induits par une atteinte à la notoriété des participants.

Responsabilisation : la défense des intérêts de l’entreprise, en médiation, n’est pas l’affaire de tiers spécialistes du contentieux, mais avant tout le fait des ressources internes. En cela ce processus contribue à responsabiliser le personnel et à accroître ses compétences, c’est un vecteur de progrès ; si le recours à des savoir-faire externes reste nécessaire, il s’inscrit dans une perspective de satisfaction des besoins, de sécurisation des projets, plutôt que dans une optique strictement défensive.

Créativité : le juge applique les seules règles de droit, dans les limites des demandes dont il est saisi, ce qui ne fait que conforter une situation acquise ou la remettre en cause. Tandis que la recherche en médiation d’une solution mutuellement satisfaisante incite les participants à élargir le champ des solutions susceptibles d’être adoptées pour mettre un terme au conflit dans son ensemble, et non pas seulement au litige qui n’en est souvent qu’une manifestation ponctuelle.

Parce qu’elle donne à l’autre partie (client, fournisseur, concurrent …) l’opportunité, si rare désormais, de se sentir écouté et qu’elle l’encourage ainsi à exprimer ses besoins, la médiation permet à l’entreprise d’imaginer des réponses nouvelles et pertinentes aux attentes du marché sur lequel elle intervient.

En raison de leur agilité et de la créativité qu’elles n’ont de cesse de promouvoir, les start-up apparaissent de nos jours particulièrement adaptées à un monde marqué par l’avènement de modèles économiques coopératifs, fondés sur la collaboration et le partage. Pour les mêmes raisons, la médiation permet de se projeter dans l’avenir et offre des perspectives de synergies, au lieu de cristalliser des situations passées ou d’apporter simplement des garanties par rapport à une situation présente. Elle constitue pour les entreprises un véritable levier de croissance. Il leur revient de se saisir de cette opportunité actuellement sous-employée.

Bertrand Delcourt

Bertrand Delcourt, avocat, médiateur, formateur à l’lfomene, à la Chambre nationale des praticiens de la médiation (CNPM) et chez Amorife, est également vice-président et délégué régional Ile-de-France de la CNPM

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